Bien qu’il soit trop tôt pour tirer des enseignements de
la pandémie du Coronavirus, on peut cependant déjà affirmer qu’elle aura permis
de mettre en lumière un contraste frappant, entre l’utilité sociale de certains
métiers, mais aussi leur degré de reconnaissance salariale et symbolique !
Ainsi, chauffeurs routiers, livreurs, caissières,
magasiniers et caristes, aides-soignantes et infirmières, éboueurs… sont
brusquement devenus des héros ! Alors qu’ils étaient hier encore des
rouages invisibles et souvent méprisés de notre économie. Ces catégories qui
portent aujourd’hui l’économie de guerre (sanitaire) à bout de bras, en
tenant leur poste en pleine épidémie
quand beaucoup de cadres et de managers télétravaillent depuis chez eux (ou
depuis leur résidence secondaire), ces travailleurs du back
office ont de nouveau acquis une haute visibilité sociale. Ils recueillent
désormais sourires et applaudissements dont un grand nombre de nos concitoyens
se montraient fort avares hier encore !
Peut-on voir dans ce renversement de la hiérarchie de la
considération symbolique, une forme de revanche sociale, ou simplement et
uniquement imposée temporairement par la crise ? Car ces héros d’aujourd’hui,
ne constituent ils pas la preuve frappante du rôle central que jouent les
invisibles dans le fonctionnement de notre société ! Pourtant, il n’y a
pas si longtemps, nombre de ces premiers de tranchées manifestaient pour
demander des moyens supplémentaires afin d’effectuer correctement leur travail !
Or quelle a été la réponse de nos dirigeants à leurs demandes ? Alors, est-ce
une sorte de revanche du bon sens de «ceux d’en bas» sur une élite par ailleurs
largement perçue par l’opinion comme inefficace, n’ayant pas su anticiper la
crise, et surtout peinant à la gérer ! Les polémiques autour des masques,
des tests… et autres, n’en sont ils pas le plus bel exemple ? Et n’est-il
pas vrai que la compétence se juge notamment lors des gestions de crise ?
On peut noter également une certaine correspondance
sociologique entre cette France des «premiers de tranchée» et celle des gilets
jaunes. Cette dernière, établie à partir de données Ifop recueillies en plein cœur du mouvement
(gilets jaunes), avec les données identifiant les travailleurs continuant
aujourd’hui à se rendre sur leur lieu de travail, permet d’affiner cette
intuition. Il est indéniable qu’il existe une correspondance étroite, bien
qu’imparfaite dans certaines professions, entre la sociologie des gilets jaunes
et celle des «premiers de tranchée». Ouvriers, travailleurs indépendants,
salariés peu ou pas diplômés étaient ainsi sur-représentés tant chez les gilets
jaunes d’hier que chez les actifs aujourd’hui «au front».
"Espérons
que cette période ne soit pas un simple quart d’heure de gloire pour tous
ces « premiers de tranchées »! Que les entreprises et dirigeants sachent tirer les conséquences de la période
actuelle en termes de dialogue social et de rétribution symbolique et
financière. Sinon, il y a fort à parier que bien que leur sociologie ne se
recoupe qu’imparfaitement, leurs causes communes amènent bientôt «premiers de
tranchées» d’aujourd’hui et gilets jaunes d’hier à porter des revendications
communes !"
Éric.L
Si ces quelques
lignes vous ont rendu curieux, pour plus d’information :
- L’Archipel français, Jérôme Fourquet insiste sur le
morcellement de la société française et ses fractures identitaires.
- Les Luttes de classes en France au
XXIe siècle, Emmanuel Todd
met l’accent sur les problématiques économiques et déplore l’appauvrissement
général des Français.
Posté par le p'tit rapporteur du Magarin
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