La mauvaise fortune s'est abattue sur l'île de Ré. En
théorie, nombre de paysans propriétaires de terrains sont assujettis à l’ISF
qu’ils peinent à payer et ce, depuis l'exponentielle montée du prix du mètre
carré sur l'île. En pratique, ces mêmes paysans n'ont plus un sou depuis qu'ils
consacrent leurs économies à payer l'impôt sur la fortune. Cruel paradoxe pour
ces nouveaux riches fauchés, dont la plupart ne payent même pas l'impôt sur le
revenu ! Conséquence d'une loi «insensée, qui marche sur la tête, qu'il
faut d'urgence supprimer ou changer», selon l'Adhir (Association de défense des
habitants de l'île de Ré).
L'île charentaise est la plus chère de France métropolitaine,
Une performance qui s'explique par la frénésie immobilière depuis la
construction du pont qui relie l'île au continent. C'est en fait depuis 1988 et
la construction du pont reliant au continent l'île, que les prix de
l'immobilier ont grimpé en flèche. Une vague de continentaux souhaitant
s'assurer des vacances "entre soi" et une "agréable
retraite" ont alors pu investir plus facilement les lieux, au détriment
des ménages insulaires historiques. Cette nouvelle attractivité a entrainé une
spéculation immobilière galopante. Le prix du foncier sur l'île y a ainsi été
multiplié par 20 depuis le milieu des années 1980. Désormais, pour environ 8000
résidences permanentes, l'île de Ré compte près de 14 000 résidences
secondaires. La population se multipliant par plus de 8 entre l'hiver et l'été.
Mais aucun de ces paysans, assis sur leurs cagnottes, ne
compte vendre et déménager. Aucun ne veut quitter cette terre sur laquelle
leurs familles sont parfois installées depuis le XVe siècle. Personne ici ne
songe à l'évasion fiscale, à investir l'argent de sa maison dans des antiquités
ou des toiles de façon à échapper à l'ISF. Ces Rétais n'ont jamais réalisé
qu'ils étaient riches et n'ont pas cette culture du calcul qu'ont de vrais
fortunés, bien conseillés, qui échappent à cet impôt. Par ailleurs, beaucoup de
personnes de l'île ne savent pas qu'elles sont redevables de l'ISF et doivent,
lorsqu'elles le découvrent, acquitter de lourdes pénalités de retard. C'est un
impôt déclaratif, et bien souvent les gens l'ignorent. Ils sont rattrapés par
les services fiscaux à l'occasion d'une succession, après la mort d’un des deux
conjoints ou d'une mise à jour du
cadastre. Et là, ça peut faire très mal. Une autre conséquence de la pression
foncière sur l'île de Ré, c'est que beaucoup d'héritiers sont obligés de vendre
pour payer les droits de succession. Les propriétés sont alors morcelées, voire
disparaissent d'un patrimoine familial. Mais l’Île de Ré n’est pas la seule
dans ce cas en France. Il y a également des agriculteurs dans le même cas en
Ardèche, en Dordogne, dans le sud de la France ou encore des retraités à Paris
qui ne peuvent supporter la pression foncière.
"Avec l'envolée des
prix de l'immobilier, certains habitants sont devenus des "riches malgré
eux", contraints de payer l'ISF pour quelques hectares de vignes et de
champs. Bientôt, sur l’Île de Ré, il y aura une réserve de Rétais comme il y a
une réserve d'oiseaux migrateurs ! Et dans l'opinion nationale, l'ISF
semble ainsi absurde parce qu'il touche des gens qui gagnent peu. Mais toute la fiscalité sur le patrimoine
contribue à redistribuer les richesses et à réduire les inégalités, ce qui est aussi rappelons-le, l'un des rôles de cet impôt."
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